L’océan, miroir de nos rêves

Les éditions Gallimard avaient demandé aux skippers de raconter l’océan. Pépino nous a sorti sa plus belle plume et a remporté le Prix Gallimard 🥇 décerné au meilleur texte sur le thème : « L’océan, le miroir de nos rêves » ( A défaut de gagner la course, il aura quand même ramené une coupe à la maison 😂)

Pour les plus curieux, on vous partage son petit récit. Bonne lecture 👀

13 heures, 44 minutes, 34 secondes. Temps universel. Ce temps que l’océan kidnappe pour n’en divulguer que ses plus belles lueurs. A ce moment précis, je m’extirpe du dessous de la casquette de mon bateau, qui me protège des embruns. Sur mon bâbord, il se dessine un nouveau camarade de jeu. Son originalité puissante me séduit instantanément. Je reconnus en lui la trempe des plus grands, de ceux que le passage du temps a cessé d’abimer. Son visage est ridé certes, mais des rides rieuses, de celles qui ont vécues une vie longue, franche et entière : les tempêtes enragées venues saler ses babines, le soleil ardent lui ont octroyé ce teint si singulier, son regard profond, parfois abimé par la tristesse de ceux qu’il a vu disparaitre sous ses yeux. Il se dresse face à moi tel un vieux chêne millénaire dont les racines seraient immortelles.

D’un regard amusé, il semble chuchoter à mon bateau : « Je te reconnais toi. Tu as encore changé d’ornement et celui-ci est de loin mon préféré. Je vois que tu as encore changé de nom aussi : Théophile, c’est plus poétique que « Banque Populaire » ou « Macif » je te l’accorde. Plusieurs fois tu es venu me saluer. Rieur, il semble ajouter : « Encore au bras d’un petit jeune, je te reconnais bien là vieille canaille ! »   Je comprends que ces deux-là se connaissent bien.

Témoin de cette conversation inopinée, c’est à moi qu’il semble s’adresser désormais : « Certains camarades sont passées par ici juste avant toi. Ils n’étaient pas très bavards. Leurs cohortes ailées leur permettent peut-être de voler mais ils ne prennent même plus le temps de converser. Ils volent oui, mais tes dérives te servent toi à rêver, et je ne connais plus belle richesse. Ta jeunesse ne pourra accepter la mer sans l’habiller d’une héroïque parure. Mais ce même océan t’inculquera l’humilité, le grandiose et la magie du tout petit. C’est de ces biens immatériels dont tu seras prodigieusement riche. »

Je lui adresse un dernier regard, empli de reconnaissance. Merci pour ces quelques mots murmurés à mon oreille. J’ai senti ton audace, ta sagesse, la grandeur de ta pudeur. J’ai été presque heureux.

Il est 13heure, 44 minutes, 34 secondes, heure T.U, et tu as été, Phare du Fastnet, l’espace d’un instant, le miroir de mes rêves. Et toi Océan, je comprends désormais que tu en es le chemin !