04 Déc Mode survie activé !
04 Décembre, 7H11 TU, 21ème position :
Ici il fait grand jour depuis 4hTU du matin, les jours se rallongent, les nuits sont toutes petites très courtes, presque aussi courtes que la mer ! Ça y’est on est rentrés dans le sud !
Cette nuit j’étais sous petit genak, une voile de 209m2, un ris dans la grand voile, il y avait 17/18 noeuds de vent et une mer tout à fait praticable. Je suis allé dormir une petite heure, j’avais mis une alarme de force de vent pour qu’elle sonne si le vent dépasse 19 noeuds. Donc là, ça sonne, je vois 20 noeuds, je me dis que ça va rentrer tranquillement et qu’on va prendre un deuxième ris. Au moment où je vais prendre mon deuxième ris, je vais sur le pont, je vais ferler ma voile, c’est à dire que je mets des rabans pour pas que l’eau vienne faire des poches d’eau dans ma voile. Le bateau part en énorme surf ! Il arrive à se redresser : énorme vague ! Moi je suis recouvert intégralement par la vague ! J’ai mes bottes qui débordent d’eau ! Je reviens dans le cockpit, je vois 27 noeuds, la pluie qui commence à arriver, énorme grain ! Je roule mon petit genak, j’arrive à le rouler très proprement, je l’affale, j’arrive à le faire tomber à l’arrière je le fais quasiment tomber dans le sac, donc je le range assez facilement.
Là j’ai renvoyé un Frot, c’est une voile qui fait une centaine de mètres carrés, qui est beaucoup plus petite, j’ai mon deuxième ris dans la grand voile. La mer d’un seul coup est devenue totalement chaotique et j’ai 37 noeuds , des rafales à 45.
Le décor a bien changé et la mer est très courte, croisée. Le bateau arrive pas à barrer là dedans. Il part en surf dans une vague, et une vague de côté vient le frapper, et la mer est vraiment grosse. Presque à chaque vague ça déferle ! Au moment où je vous parle je suis sous ma petite véranda sous la casquette. Il y a des moutons partout partout à chaque flanc de vague, il y a une espèce de mousse blanche qui déferle.
Le ciel est plutôt gris, il y a quelques petites touches de bleu par-ci par là mais globalement on est dans du gris ! On approche des quarantièmes, je vois des oiseaux au loin, peut-être que je vais découvrir mes premiers albatros !
En tous cas on a quitté le mode régate on est passé en mode survie !
Là je fais du nord pour essayer de laisser passer « la grosse Bertha » et remonter pour la laisser passer dessous et ensuite redescendre derrière. En voyant les 45 noeuds ce matin, ça ne donne pas du tout envie d’aller dans plus. 45 noeuds, c’est déjà bien tapé ! En fait, c’est pas tant la force du vent c’est vraiment l’état de la mer qui peut être très difficile, car le bateau accélère et vient planter et t’as l’impression que tu vas tout péter !
Je suis content parce qu’on ne s’est presque pas fait surprendre, j’ai réussi à faire la manoeuvre bien propre, les voiles sont nickel dans leur sac je n’en ai abimée aucune c’est bien pour la suite. Le bateau reste à son potentiel, même si la course est mise entre parenthèse, le bateau sera à priori apte à la reprendre quand il sera temps de la reprendre.
J’ai l’impression que c’est un peu ça le Vendée Globe, un coup la régate, un coup la survie ! Je me disais : ça fait peur ! C’était pas de l’angoisse car j’étais en contrôle et en maîtrise, c’était un peu de la peur de la situation nouvelle; J’ai jamais vu ça, j’ai jamais vu une mer comme ça et encore moins tout seul.
En tous cas j’ai des mots partout cachés dans le bateau, des classeurs, des mots, des lettres, des sponsors, de la famille, des amis, ça fait vraiment chaud au coeur de sentir toute cette attention et tout cet amour c’est extraordinaire ! Pour ça le Vendée Globe c’est vraiment magique ! Merci pour tout ça et à tantôt.
SUIVRE LA COURSE :