Puzzle Austral

Le 29/12/2024 – 56’30 Sud 157’35 Ouest

 

« Je crois qu’après avoir vu ça, on peut mourir tranquille ! »

J’assemble mon puzzle austral, j’avance par tronçons et tente petit à petit de résoudre cet escape game planétaire.

Dans chaque nouvelle pièce, une nouvelle expérience, une énigme à résoudre, une surprise à découvrir, une leçon à retenir, un joyau à chérir ! Le Vendée Globe a cela de magique qu’il exauce sans le savoir les rêves les plus fous et les plus anciens. Telle la lampe magique d’Aladin, la bosse du bossu de Notre-Dame ou encore le baiser porte-bonheur de Laurent Blanc sur le crâne de Barthez, il convoque par son exercice si singulier les souhaits les plus chers, tenus secrets.

Un clin d’œil footballistique qui tombe à pic puisque je viens de recevoir la visite surprise sur mon bateau d’un invité qui, sans le savoir, accompagne mes foulées depuis le plus jeune âge. À l’heure où les murs de ma chambre sont encore recouverts de tapisserie colorée, celle-ci a totalement disparu sous les posters imbriqués façon Tetris afin qu’aucune couche de peinture ne puisse être divulguée et que seule l’idole, la légende, puisse briller !

Ma ferveur est telle que lorsque, pour mon 12ᵉ anniversaire, mon père m’offre 2 places pour aller pour la première fois au Stade de France, je fais parvenir une lettre manuscrite au Real Madrid pour soumettre l’idée incongrue mais non moins audacieuse que notre célèbre numéro 10, s’il marque un but, me le dédie par message personnalisé. Ce jour-là, la France gagnera, mais il ne marquera pas… Je ne saurai donc jamais, mais l’enfant rêveur s’est toujours persuadé que ce soir-là, il avait joué avec un T-shirt : « Pour toi Benji », sous son maillot.

Lors du matin du départ du Vendée Globe, j’ai enfilé d’abord ma chaussette gauche, puis la droite… comme si mon inconscient de gamin avait préservé ce rituel de vestiaire pour les grands événements !

Le 25 décembre 2024, Zizou, la légende, avec la simplicité qui a forgé son mythe, m’adresse à travers une vidéo un simple : « Benjamin, c’est ZIZOU ! Je sais que tu es tout seul en mer, loin de nous, mais on pense bien à toi. Bon courage. À bientôt et joyeux Noël ! »
Le cadeau est immense. Me viennent alors tout de suite les mots de Thierry Roland : « Je crois qu’après avoir vu ça, on peut mourir tranquille, enfin le plus tard possible ! »

Ce qu’il y a de beau dans une surprise, ce n’est souvent pas la surprise en soi, c’est d’imaginer celui ou celle qui l’a préparée. Une lettre manuscrite touchera toujours davantage le cœur qu’un mail ou un SMS. Un album photo imprimé, collé, commenté ravira toujours davantage qu’un livre assemblé sur un site internet, livré intact.

Ce qu’il y a de magique dans les cadeaux, ce n’est pas l’objet, c’est d’imaginer l’amour que la personne qui vous l’offre vous porte pour y avoir pensé, consacré autant de temps et imaginé la façon la plus adéquate de vous l’allouer dans le seul but de vous faire plaisir !

Je me rends compte qu’au-delà de cette vidéo légendaire et tellement espérée depuis tant d’années, ce qui restera sera sans doute davantage la délicatesse de l’idée que les mots de Zizou ! Le Vendée Globe révèle les gens car si en mer on ne ment pas, il révèle aussi les gens à terre ! En parlant de terre, « Terre en vue » !

Quelques minutes après avoir visionné ce petit morceau de paradis, le regard distrait et l’œil mouillé, il s’en est fallu de peu que Zizou et moi terminions notre voyage sur un rocher des îles Macquarie. Un instant suspendu. À moins de 100 mètres, je dépasse ce caillou sorti tout droit des abysses de la Terre. Une dernière offrande comme pour me souhaiter bon vent !

Dans sa besace, le père Noël avait pris soin de me distiller une atypique cure de jouvence ! Le 26 décembre, je passais l’antiméridien et rajeunissais ainsi de 24 h d’un claquement de doigt ! Quelle aubaine d’avoir l’opportunité de vivre deux fois la même journée, comme dans un film de science-fiction ou dans « Un jour sans fin » qui permet d’effacer les erreurs, de les reprendre, d’avoir une deuxième chance, de faire un brouillon et de le mettre au propre ! Encore une première fois. Qu’elles sont savoureuses ces premières fois !

Petit à petit, mon escape game se peaufine. Je déniche de nouvelles pièces, une à une, avec l’extrême nécessité d’aller à l’essentiel puisqu’ici, il n’y a que cela : l’essentiel !

J’embarque pour cette seconde moitié de tour du monde la folie nécessaire pour aller au bout du rêve, de la joie et de la gratitude. Je danse sur un fil, chante sans l’oreille absolue, cours comme un marathonien que je ne suis pas… et surtout, surtout, je DÉCOUVRE ! L’inconnu, le non-vu, la surprise à chaque petite fenêtre ouverte du calendrier de l’Avent puisque nous y sommes ! Je fais miens les mots du commandant Cousteau : « Je suis un découvreur, mon but est d’émerveiller et de m’émerveiller ».

 

Carnet de bord rédigé pour Le Télégramme.

 

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