Après la pluie, le beau temps !

Lundi 20 janvier, 10h52 TU, 03’51 Sud 32’23 Ouest

Cette nuit, j’ai dormi. Cette phrase doit vous paraître de la plus grande des banalités mais de là où je suis, elle revêt un esthétisme quasi-miraculeux. Cette nuit, j’ai dormi ! Le vent était d’une rare stabilité, et, si ce n’est un bref réveil furtif pour éviter une collision avec un cargo, ce mini-coma aura duré 6h ! Six heures pour me remettre de mes dernières péripéties, qui ont, je dois l’avouer, eu raison l’espace d’un instant, de mon bonheur d’être en mer !

Seulement, si le Vendée Globe a bien le don de nous inculquer une chose, c’est qu’après la pluie, le beau temps !

Aujourd’hui, je vais recroiser ma trace de la descente de l’Atlantique il y a deux mois. Le monde est immense et finalement, pas si grand que cela lorsque je me rends compte que je suis en train d’en faire le tour à la vitesse d’une mobylette. Écrire ces mots m’émeut. Je suis en train de faire le tour du monde !

Et lorsque le voyage et l’exploration s’invitent à la table de la compétition, une joie pure afflue de l’horizon ! Je ne résiste pas à l’idée de vous confier les dessous du texte du jour. Selon mon engagement, le dimanche, vous l’avez compris : c’est écriture ! Bien souvent je me mets à tapoter au petit matin, lorsque les premières lueurs du jour viennent nourrir les sentiments que je tente d’apposer sur le papier. Seulement hier, je n’ai pas fait mes devoirs. Chassez le naturel, il revient au galop, l’élève que j’étais imagine d’abord confectionner une excuse malicieuse pour justifier mon retard… Et là où je m’aperçois que j’ai finalement peut-être un peu grandi ces 10 dernières années, c’est que je confie à nos amis du Télégramme être tout simplement épuisé et que rien ne sortirait de ma carcasse aujourd’hui. La vérité provoquant toujours la grâce de ceux qui la reçoivent ( comme disait ma Maman : faute avouée à moitié pardonnée), j’ai l’immense privilège de me voir accorder une prolongation de 24h.

Si je vous raconte tout cela, c’est que cet agrément de fortune m’aura offert au lever du jour de trouver l’inspiration pour ce nouveau carnet de bord, puisque je viens de vivre l’un des moments les plus enivrants de mon Vendée Globe !

Rechargé d’un sommeil sans réveil donc, mon fameux pouf jaune s’étant vu accordé une autorisation de sortie temporaire sur le pont de Théophile tant la mer plate, le vent faible et la température rafraîchie en extérieur rassemblaient les conditions parfaites d’une probable première et dernière nuit à la belle étoile de cette épopée maritime.

Mon saut du lit prendra la forme d’un bulletin météo brésilien diffusé sur le Canal 16 de ma petite radio VHF. J’aperçois au loin d’innombrables lumières blanches ainsi qu’un phare tournoyant. Au rythme de l’aurore, je m’en rapproche. Presque trop. Le vent mollit et je n’ai plus que 3 noeuds qui soufflent dans mes voiles. Il y a un noeud de courant qui me pousse vers les rivages de cette île féerique sortie de nulle part au beau milieu de cette immensité bleue.

Il s’agit de l’île brésilienne : Fernando de Noronha.

Le vent et le courant m’ont encore rapprochés. Je suis à quelques mètres de la côte et le lever d’un soleil rouge flamboyant vient parfaire le moment ! La course n’existe plus. Tanguy mon principal concurrent du moment s’est envolé de mes préoccupations ! Le voyage a pris le dessus. Je suis en caleçon et m’avance jusqu’au bout de mon bout dehors à la proue de mon fidèle compagnon. Je ne suis plus un compétiteur, je suis, le temps de cette parenthèse inattendue, un explorateur ! Je devine une colline luxuriante. Un caillou planté sur les hauteurs me fait penser au « Pain de sucre » de Rio. Je pense, une seconde, me prendre pour Moitessier et m’y arrêter.

Quatre « fous bruns » aux ailes et à la tête noires, au bec légèrement bleuté et à l’abdomen d’un blanc immaculé, dansent d’une parfaite synchronisation autour de moi à l’étrave.

Dans mon sillage, l’île disparaît… et avec elle, l’aventurier qui m’habite. Je suis en tête des bateaux à dérive. Où est Tanguy ? Quand le vent va-t-il rentrer ?

La course vient de reprendre ses droits les amis ! Je fonce à la carto faire un peu de météo ! L’aventure c’est l’aventure … mais Le Vendée C’est le Vendée !

Bon vent à tous !

 

Journal de bord rédigé pour Le Télegramme.

 

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