Pas de répit dans l’Indien

Mercredi 18 Décembre, 21H33 TU, 21 ème position :

 

À quoi ressemble un pépin après trois semaines de mer ?

La solitude commence à faire son œuvre, pour la première fois hier je me suis senti un peu seul. Je n’avais jamais ressenti ça depuis le départ, et hier j’avais un petit moment d’accalmie, je savais que le gros temps allait revenir, j’ai eu une après-midi de petit temps avec 15 nœuds, j’ai rangé le bateau, j’ai tout nettoyé et j’étais un peu mélancolique.

Sinon, on sort d’une nuit épique avec mon copain Tanguy ! On peut dire que les nuits avec Tanguy sont intenses ! C’était n’importe quoi ! Toute notre vie on se souviendra de cette nuit du 16 au 17 décembre 2024. Une nuit épique, forte en intensité. Après coup on en rigole mais sur le moment on ne faisait pas du tout les malins, on s’envoyait des messages toutes les heures en se disant qu’on allait tous mourir. C’était un bon truc de poney ! On était bord à bord ! À chaque fois qu’il y en avait un qui allait plus vite, l’autre allait plus vite d’un nœud au classement d’après. On a fait 22 nœuds chacun. Pendant toute la nuit je crois qu’on a été les bateaux les plus rapides de cette flotte. Je sors d’une des nuits les plus mémorables de ma jeune vie de marin ! J’en rigole car je suis bien content qu’on s’en soit sortis presque indemne ! C’était une nuit épique ! Ce qui je pense marque un point final à cet Indien qui aura été quand même relativement intense.

Le répit s’est enfermé à double tour dans un placard et n’est pas venu nous rendre visite depuis 15 jours !

Ça fait 15 jours que j’ai deux ris dans ma grand-voile et que je n’ai pas vu moins de 20 nœuds au compteur et 4 mètres de creux. Je voyais dans une interview que Jean disait que c’était vraiment l’Indien le plus difficile qu’il ait eu à traverser. Ça me rassure un peu car je me disais quand même « les mecs sont tarés d’y retourner car c’est hyper dur » ! Donc je suis content de savoir qu’il était effectivement difficile.

Je commence à ressentir une vraie fatigue profonde, physique et psychologique, qui vient marquer l’esprit, les muscles. Cet Indien a été vraiment éprouvant et la nuit dernière avec Tanguy a été fougueuse ! Content d’avoir passé le Cap Leeuwin, toujours aussi impressionné par la géographie de notre parcours ! Le jour vient de se lever alors que vous allez vous coucher, on est en Australie, on va passer la Tasmanie et bientôt l’antiméridien ! Tout cela me fait bien voyager !

Les conditions actuelles sont toujours aussi velues ! J’ai 25 nœuds, ça va monter dans la nuit, 30 nœuds, rafales à 35. Il va falloir dans quelques temps que j’affale mon petit gennak’ et espérer dormir un petit peu. Là l’enjeu c’est de rester accroché à mon petit groupe que j’ai réussi à garder malgré mes péripéties des derniers jours.

C’est vrai que je suis heureux d’être là, j’ai l’impression d’être un survivant, il y a 72h je pensais que le Vendée Globe était terminé. Je ne sais pas très bien comment j’ai réussi à réparer ça, mais ça a l’air de tenir. Je commence à être serein par rapport à cette réparation qui m’a fait passer par des états émotionnels assez intenses, pendant une partie de cette nuit-là j’ai cru que c’était terminé ou à minima qu’une escale à Perth était nécessaire et que j’allais finir hors course. Je prends chaque mile supplémentaire comme un cadeau et je savoure d’autant plus parce que c’est vrai que j’ai pleuré de désespoir en pensant que c’était terminé.

Malgré tout j’ai réussi à rester attaché à mon petit paquet, je le ferme avec Tanguy qui va rester avec nous. L’enjeu c’est de courir en avant d’un front qui va nous emmener jusqu’au coin de la zone des glaces où on aura une grosse zone de molle à traverser. Ça va faire du bien quand même. Mais dans cette zone, le premier qui l’aura traversé partira avec une dépression et c’est un train qu’il ne faut pas rater car le suivant est dans longtemps !

Je suis assez étonné de l’écart qui s’est creusé avec les autres concurrents à dérives, Violette notamment avec qui j’étais bord à bord il y’a quelques jours. Il s’est creusé sans vraiment que je m’en rende compte. Super content de la position que j’ai et surtout très heureux de la trace laissée dans l’océan Indien, je la trouve très nette, j’avais à cœur de laisser une belle trace comme un skieur et je la trouve assez jolie !

Sur cette aventure tu vis des émotions qui ne peuvent pas être vécues ailleurs, ce sont des souvenirs pour la vie et des émotions fortes gravées à jamais c’est magique. C’est ce que je retiens des derniers jours. Et je vous laisse sur ces quelques mots « l’espoir de la délivrance fait accepter la souffrance ! » : en attendant la pétole on continue de souffrir !

 

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