Le corps et l’esprit

Samedi 11 janvier, 6H30 TU, 20ème position :

Je vous donne des petites nouvelles pour vous dire que déjà tout va bien. La première bonne nouvelle c’est qu’on avait un gros enjeu ces derniers jours qui était de passer cette très grosse dépression qui naissait dans la Cordillère des Andes. On s’en est définitivement sorti aujourd’hui, non seulement sain et sauf mais en plus on a vraiment bien géré le timing, bien navigué et voilà avec un bateau intact donc encore un sacré soulagement en fait.

Là ça fait maintenant quasiment une semaine qu’il y avait beaucoup de tension à bord parce qu’il y a eu à la fois l’histoire des icebergs, ensuite de la zone des glaces à éviter, et donc l’impossibilité de dormir parce que beaucoup de manœuvres à faire et la peur de ne pas se réveiller et de rentrer dans la zone des glaces. Le passage du Cap Horn qui était intense, et la suite du Cap Horn a été la gestion de cette grosse dépression.

Et du coup, ça fait vraiment une dizaine de jours qu’il y a beaucoup d’angoisse, de tension, un peu de stress. Et ça y est, tout ça retombe et forcément en retombant, je me suis pris un coup de massue monumental aujourd’hui. Vraiment je n’arrivais plus à rien faire, même me déplacer dans le bateau, devenait un effort surhumain. J’ai commencé à avoir des douleurs sur les mains, aux avant-bras, etc. Comme si mon corps se réveillait, parce qu’il sentait que « ça y est, on n’était plus en danger » et du coup il s’autorise à s’exprimer.

C’est incroyable, j’enfonce un peu des portes ouvertes mais on dit toujours qu’il y a une corrélation entre la tête et le corps, mais alors là c’est flagrant ! Même physiquement j’ai des crevasses qui sont apparues sur les mains aujourd’hui, alors que je ne les avais pas ces derniers jours.

Je n’ai pas encore assez dormi mais là j’ai réussi à faire deux siestes mais c’était vraiment des comas ! Je tombe dans des états où quand je me réveille je ne sais plus qui je suis, comment je m’appelle, où je suis ! Par contre je fais des rêves de malade mental !

C’est vrai qu’en fait j’ai calculé mais en une semaine je pense qu’en cumulé j’ai dû dormir peut-être 5 heures. 5h en une semaine et dont pas dormi pendant 3 jours, donc voilà tout ça a été bien intense ! On est heureux, plus qu’heureux, d’avoir retrouvé des températures un peu plus élevées. Là, c’est génial, j’ai réouvert la porte, je peux sortir sur le pont. Ça, c’est vraiment un bonheur. Je n’ai plus qu’une petite polaire et les températures ne vont faire que remonter, plus on fait du nord. Donc ça, c’est vraiment génial.

Et ensuite, j’ai eu des petites mésaventures. Mon spi s’est déchiré, donc il a fallu le réparer, ce qui est fait. J’ai la bonne nouvelle d’avoir réparé mon hydrogénérateur bâbord qui est celui qui me donne de l’énergie. Et en fait là pendant quasiment 15 jours on va être tribord amure. Donc le vent qui vient de la droite et donc il fallait absolument que je puisse recharger mes batteries.

Et donc je suis trop content parce que j’ai réussi, moi qui suis nul en électronique ! J’ai pu dénuder les fils, refaire une prise, tout ça bien guidé par l’équipe technique à terre qui a été vraiment géniale. Moi j’ai été un peu la pointe de l’épée pour cette réparation-là et l’équipe m’a bien mâché le travail et surtout bien expliqué comment je devais faire donc ça c’était génial.

Le bateau est quasiment à 100%, il me reste une dernière bricole à faire que je ferai quand il y aura moins de vent. Et puis ensuite on va être prêt à remonter à 100% l’Atlantique. Et la suite s’annonce assez complexe quand même. Il reste deux océans à traverser quand même, donc il ne faut pas s’imaginer arriver trop tôt.
Là, j’ai l’espoir d’une nuit calme, douce et apaisée pour pouvoir un petit peu se reposer. En tout cas, très heureux d’être encore là.

D’un point de vue course, on a bien recollé avec Isabelle Joschke et avec le petit groupe de devant. Donc voilà, l’espoir secret de rattraper le petit groupe qui m’avait laissé en Tasmanie, ce serait génial.
Et puis allons-y gaiement !

 

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